CONCERTS 1990-1992
Présentation du spectacle Harmonie
CLAIR OBSCUR, fondé en 1981 par Christophe et Nicolas Demarthe, unit au quatuor rock standard (basse, batterie, guitare, chant) les sonorités classiques du violoncelle, de la flûte et de la clarinette pour créer une musique communément appelée nouvelle ou inclassable. Dans le travail de composition, la tentative de création d'un espace, d'une profondeur nous importe autant que la recherche mélodique.
Sur scène, au moment de proposer à l'écoute l'espace de cette musique, il nous apparaît important de mesurer celui-ci à l'espace du monde extérieur. En effet, il y a des spectacles qui invitent l'imagination du spectateur à une vague rêverie et il y a ceux qui permettent une vision toujours renouvelée du réel. Concrètement, tout au long du concert se succèdent des actions menées par les musiciens eux-mêmes et visant à montrer comment l'écoute et le regard peuvent être conditionnés.
Des peintures impressionnistes projetées sur scène...
Par exemple, le fait de planter des musiciens classiques dans un univers rock donne une impression de bien-être douillet, sentiment que l'on peut conforter en projetant sur scène des images bucoliques, peintures impressionnistes. Nous pouvons ainsi aider à développer la rêvasserie du spectateur. Puis par un brusque retour au réel, en remplaçant brutalement la projection des diapositives par l'éclairage plateau, sa rêverie revient au spectateur comme une paire de claques. Il se rend compte que la belle image que nous avons développée ensemble n'est en fin de compte qu'un cliché collectif.
- Si je te dis "la mer", tu la vois ?
- Oui.
- Et si je te dis Club Med, tu la vois?
- Ah oui, beaucoup mieux.Le sens critique du spectateur est maintenant mis en éveil face à tout nouveau tableau proposé.
Un crooner italien vient perturber le spectacle...
Autre exemple, s'opposeront face au public une scène de répétition et l'intervention en playback d'un crooner Italien squattant carrément le spectacle. Le spectateur ne s'apercevra-t-il pas qu'il a tiré plus de plaisir de son intimité avec quelque chose se construisant sous ses yeux qu'avec un show tout ficelé éclatant anonymement en clamant être la solution. Dans le show super bien ficelé, le spectateur n'a tout simplement nul endroit où poser sa pierre. Alors qu'il y a autant oeuvre dans une oeuvre en construction que dans une oeuvre achevée.
Une ambiance de restaurant s'installe...
Dernier exemple, certains musiciens transformés en serveurs descendent dans la salle offrir des petits fours aux spectateurs tandis que la musique jouée par ceux restés sur scène est mélangée à l'enregistrement d'une foule dans un restaurant. Cette scène survient juste au milieu du spectacle, au moment habituel de l'entracte. Là, le spectateur est directement confronté à l'idée même de spectacle, ses éléments constituants, comme en peinture les couleurs primaires. Plus, ici c'est l'idée de musique d'ambiance, de muzak qui est évoquée. Et d'autant plus fortement que cette musique sera interrompue de façon abrupte, livrant la salle allumée à la seule ambiance sonore du restaurant. Ainsi, c'est en coupant la musique que nous essayons de la faire exister à nouveau, signifiante.
En définitive, le spectateur est soumis à un va-et-vient entre l'intérieur et l'extérieur du spectacle découvrant peut-être que la magie se situe dans la juxtaposition de ces deux cadres: l'oeuvre réalisée et le travail préparatoire.
Sur la scène...
composition musicale et conception du spectacle : Christophe
et Nicolas Demarthe
mise en scene et eclairage : Jacques Mathys
projection images : Catherine Vorwerk
interprètes
Helene Audinat : violoncelle
Xavier Bussy : clarinette, saxophone
Guillaume Damerval : flûte traversière
Aline Montfort : flûte traversière, chant
Gamaldine Alouache : basse électrique
Philippe Carrez : claviers, musique assistée par ordinateur
Christophe Demarthe : chant
Nicolas Demarthe : guitares, chant
Nicolas Gorge : batterie, percussions