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BEST (1984)
A Creil, dans l'Oise, que reste-t-il lorsque le dernier troquet a fermé ses portes? La lueur orangée des réverbères et le rock de Clair Obscur entre chien et loup.
Quand Jiri du Gibus m'a branché sur Clair Obscur, je n'ai pas été déçu. Leur concert était doublé d'une performance : un garçon nu gigotait dans une cage et n'en sortait que pour se rouler dans un tas de betteraves ! La musique en Clair Obscur plonge ses racines dans le rock industriel. C'est un son minimaliste à la frontière de la mélopée, une complainte qui monte comme un cri dans la nuit. Clair Obscur est une entité créative qui refuse les travers masturbos des intellos, même si ses références sont souvent littéraires. Le groupe fonctionne comme une unité de création. Aucun des musiciens ne permet à son égo de tirer la couverture à lui. Collectif rock, Clair Obscur a choisi de répondre collectivement à mes questions :
Un maxi chez New Rose, une vidéo autoproduite, un concert au Forum et une compilation chez Rough Trade, cher Clair Obscur, tu débordes d'activité. Parlons d'abord de la compile.
Clair Obscur : Un membre de Clair Obscur est allé en Angleterre pour rencontrer le responsable de New European Records. Notre musique l'a intéressé et comme il préparait une compilation de nouveaux groupes anglais, il nous a proposé d'y participer.
L'intérêt de cette compilation, c'est qu'elle nous permet d'échapper au ghetto musical français : car tout ce qui sort en France a bien peu de chances de dépasser nos frontières, alors que les Anglais ont une puissance bien plus cosmopolite. Pour nous, ce premier contact avec Rough Trade est essentiel, il devrait déboucher sur autre chose.Simultanément à ce disque Rough Trade, vous sortez aussi un maxi 45 tours chez New Rose.
C.O. : On avait déjà fait un 45 tours autoproduit distribué chez eux. Celui-ci s'intitule « Dansez » et comporte quatre titres en français, en anglais et en allemand.
Votre vidéo clip restitue tout le côté spectaculaire du groupe...
C.O. : La vidéo s'apparente plus à un court métrage qu'à un clip promo. Nous l'avons tournée avec un mordu de cinéma qui a su privilégier la démarche film/acteurs. Nous avons utilisé le « butô », une danse japonaise aux gestes ralentis qui évolue plus dans le temps que dans l'espace. Sur le clip, les corps sont blanchis et prostrés car pour jouer les contrastes nous y avons injecté une bonne dose de « kabuki », une danse beaucoup plus populaire, exubérante et proche de la Comedia dell'Arte. L'origine de la vidéo est une nouvelle de Kafka, « La Colonie pénitentiaire ». Nous l'avons choisie pour ses antinomies car, lorsque tu lis Kafka, d'un paragraphe à l'autre, s'opposent le pour et le contre, le bien et le mal. Le contraste est aussi musical : les sons classiques s'opposent ainsi farouchement aux instruments électriques. C'est pour coller au concept du groupe? C.O. : II n'y a absolument pas de concept chez Clair Obscur. On ne fait les choses que si elles sont absolument spontanées, non réfléchies. Notre musique s'élabore à quatre et ensuite seulement nous cherchons à l'analyser.
Musicalement plus proches du son industriel que de Michael Jackson, les Clair Obscur écoutent beaucoup Psychic TV (ex-Throbbing Gristle). Leur concert au Forum est conçu comme un spectacle total où les instruments seront intégrés au décor qu'ils récupèrent à gauche, à droite ou à la Cartoucherie de Vincennes. Leur définition du show, c'est : « Le premier concert ou les sourds pourront prendre leur pied. » Je parie que, si Clair Obscur était basé aux Bahamas, la musique s'ouvrirait vers le soleil et la gaieté, mais Creil n'est pas à proprement parler une île paradisiaque, voilà pourquoi leur Compass Point dans la tête est bien plus tourmenté.
Gérard BAR-DAVID